Portrait d’Hubert Meyer, vigneron au cœur du Domaine Sainte Joie. Un homme enraciné dans son terroir alsacien, bâtisseur patient et fin connaisseur des sols granitiques.
Il parle doucement, mais avec la précision de ceux qui ont vu, fait, et refait. Hubert Meyer est un homme de la terre, au sens le plus noble. À Saint-Hippolyte, au pied du château du Haut-Koenigsbourg, il a façonné parcelle après parcelle ce qui allait devenir le socle du domaine Sainte Joie. Loin des projecteurs, il a mis ses mains dans le granit, et son cœur dans chaque sillon.
Hubert n’a pas choisi le métier de vigneron, ou du moins pas comme on l’imagine. Il est issu d’une vieille famille viticole de Saint-Hippolyte, mais sa trajectoire est marquée par les hasards de la vie. En 1976, à la suite d’un accident de son frère, il reprend les rênes de l’exploitation familiale. « J’ai pris le relais. Il fallait que quelqu’un tienne la maison. »
En parallèle, il continue à travailler à l’usine. Un double quotidien éprouvant, mais nécessaire pour faire vivre la famille et faire grandir le domaine. À l’époque, il commence avec 60 ares offerts en salaire différé par son père. Un simple lopin, devenu avec les années un domaine vivant et complexe.
Son génie ne s’exprime pas dans des discours théoriques, mais dans une connaissance intime du terrain. Hubert marche ses vignes, les observe, les écoute presque. Il repère les friches, les terrains abandonnés, et comprend immédiatement leur potentiel : « Les gens n’y voyaient rien, moi je savais que c’étaient des terres d’exception. »
Il réhabilite, nettoie, plante, toujours à la main. « Faut pas avoir peur du travail. » Il réduit volontairement les rendements, augmente la densité de plantation, cultive la précision. Pour lui, tout repose sur l’attention quotidienne portée à la vigne. « Il faut être là, tout le temps. Comme un jardinier. »
Hubert parle du granit comme d’un complice. Il connaît chaque variation de sol, chaque arôme qu’il peut faire naître dans un Pinot Noir ou un Riesling. « Sur le granit, les arômes sont plus fins, plus soyeux. » Cette compréhension du sol est au cœur de son approche : il adapte les densités, le travail des sols, les cépages à chaque parcelle, au mètre près.
Et s’il y a un cépage qu’il chérit, c’est le Pinot Noir. Dès les années 90, il pressent son potentiel en Alsace. Il part en Bourgogne, goûte, compare, et revient avec une certitude : « On a une carte à jouer ici. »
Hubert ne se revendique pas comme un maître à penser. Il transmet sans prétention, par l’exemple. À ses vendangeurs, il donne à boire le vin du cépage qu’ils récoltent, pour qu’ils comprennent ce qu’ils coupent. Il veille à chaque détail. Il n’est pas rare qu’il soit encore dans les rangs, en silence, à observer une feuille, une baie, un geste.
Il se méfie des machines. Non par conservatisme, mais parce qu’elles « ne savent pas trier comme l’homme ». Chaque raisin compte. Chaque millésime est un défi. Et chaque récolte est une promesse : « La nature te donne le ton. C’est elle qui décide. »
À 70 ans passés, Hubert parle encore de ses vignes avec l’émotion du premier jour. Il évoque les cerises volées par les étourneaux, les vieux ceps centenaires qu’il dorlote, les vendanges précipitées pour sauver une récolte… Il parle de fidélité, aussi : certains vendangeurs sont là depuis 40 ans. Pas pour l’argent. Pour l’histoire, la terre, et l’homme.
Sainte Joie, pour lui, c’est une évidence née de l’effort. Un domaine qui respire l’humanité, la rigueur, et l’amour discret d’un homme pour son terroir.
L’abus d’alcool est mauvais pour la santé. À consommer avec modération.